La matière silicatée
La principale révolution amenée par le satellite ISO (Infrared Space Observatory) a été la révélation de la présence de silicates cristallins dans les enveloppes d'étoiles évoluées et dans les comètes, par opposition à ce qui était connu auparavant à savoir la présence de silicates uniquement amorphes. La modélisation des spectres de différents objets (protoétoiles, étoiles évoluées) observés par ISO-SWS (Short Wavelength Spectrometer), en tenant compte des propriétés optiques de silicates connus sur Terre, nous a permis d'obtenir un résultat quelque peu surprenant.
En effet, nous avons montré que dans les spectres d'objets protostellaires, où les silicates observés proviennent du nuage moléculaire parent (silicates âgés), les silicates observés sont entièrement amorphes et de type pyroxènes (SiO3).
Par contre, dans les étoiles jeunes (et dans les comètes) les silicates sont en partie cristallins et de type olivine (SiO4). Une des premières missions de notre équipe a été de comprendre la signification des spectres observés en proposant des expériences qui permettent, de simuler en laboratoire, différentes étapes du cycle de vie de la poussière silicatée. Ces études permettront de mieux comprendre le rôle de chacun des effets simulés (d'irradiation et/ou de température) sur l'évolution de la poussière, depuis sa synthèse autour des étoiles évoluées jusqu'à la formation de la nébuleuse solaire et son évolution vers la formation de comètes, astéroïdes et planétésimaux. La spectroscopie infrarouge par transformée de Fourier (FTIR), de par sa comparaison directe aux spectres astronomiques, constitue naturellement le moyen d'analyse privilégié de nos échantillons. Afin d'étudier la microstructure de nos échantillons, nous couplons en général la microscopie électronique par transmission (MET) à la FTIR. Nous travaillons, pour cela, en étroite collaboration avec le Laboratoire de Structure et Propriétés de l'Etat Solide (LSPES, université de Lille https://www.univ-lille.fr). Les premiers travaux de simulation du cycle de vie de la poussière silicatée ont été dédiés aux effets d'irradiation ionique (He+, H+) sur la structure des silicates. Ces irradiations, effectuées au Centre de Spectrométrie Nucléaire et de Spectrométrie de Masse (CSNSM) d'Orsay auprès de l'accélérateur SIDONIE (http:// www.csnsm.in2p3.fr), ont montré non seulement la possibilité de rendre amorphe de l'olivine sous bombardement ionique mais aussi sa lente transformation en pyroxène. Ces simulations permettent donc d'expliquer en termes d'évolution de la poussière interstellaire, les spectres obtenus par ISO dans différents objets. Afin de simuler l'incorporation de cette poussière dans les environnements circumstellaires et de jeunes étoiles en formation, et d'étudier ainsi leur évolution du milieu interstellaire (MIS) à ces environnements, nous effectuons des traitements thermiques à nos échantillons dans une gamme de température variant de 750°C à 1100°C. L'analyse des spectres IR obtenus après différents traitements thermiques nous a permis d'extraire une enthalpie de recristallisation des silicates après amorphisation par irradiation. Cette énergie compatible à l'énergie de cristallisation nous a permis de conclure que pour expliquer la présence des silicates cristallins dans les environnements défavorables à la cristallisation il faut invoquer les effets de transport radial de la matière des disques internes (plus chauds) aux disques externes (plus froids et donc défavorables à la cristallisation locale des silicates). Par ailleurs le couplage de la MET nous a permis de mettre en évidence des évolution de structure des silicates que nous mettons en parallèle avec l'analyse des IDPs que nous traitions également au laboratoire par micro spectroscopie IR (lien vers matière ET JB).