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Des mécanismes exotiques liés à la glace carbonique à l'origine de ravines sur Mars

18/01/2016 - 10:00

Les ravines observées sur Mars seraient produites par l'action de la glace de CO2 en hiver ou au printemps, et non par des écoulements d'eau liquide, comme avancé jusqu'ici. En effet, sous la glace de CO2 chauffée par le Soleil, d'intenses mouvements de gaz peuvent déstabiliser et fluidifier le sol jusqu'à créer des coulées semblables à celles générées par un liquide.

Depuis 2000, les caméras embarquées sur les satellites en orbite autour de la planète Mars nous ont envoyé de multiples images montrant la présence de chenaux et de cônes de débris, semblables à ceux créés sur Terre par l'action de l'eau liquide sur les pentes d'éboulis, avec parfois un parcours sinueux. La formation de ces ravines semblait récente, de quelques millions d'années à seulement quelques années. Elles relançaient l'idée que des quantités non négligeables d'eau liquide potentiellement propice à une forme de vie pouvaient se former sur la planète Mars aujourd'hui.

 

Le rôle de l'eau liquide dans la genèse des ravines a toutefois été récemment remis en question par des clichés de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter (MRO), obtenus en surveillant régulièrement certains réseaux de ravines. Ces clichés ont révélé la formation actuelle de nouveaux chenaux, à des saisons où les températures sont beaucoup trop basses pour imaginer que de l'eau, même salée, puisse contribuer à un écoulement liquide. Par contre, les observations de HiRISE sur MRO et une récente étude menée par M. Vincendon de l'IAS (données de spectroscopie infrarouge des instruments OMEGA sur Mars Express et CRISM sur MRO) ont montré que le creusement des nouveaux chenaux semblait se dérouler lorsque que de la glace de CO2 était présente. Mais comment expliquer qu’une fine couche de glace de CO2 saisonnière (quelques dizaines de centimètres d’épaisseur) puisse provoquer la formation de coulées impliquant des dizaines, voire des centaines de m3 de matériau ?

 

Des modèles numériques de C. Pilorget (IAS) et de F. Forget (LMD), qui permettent de simuler le cycle du CO2 sur Mars en surface et dans le sous-sol, ont apporté de nouvelles réponses sur les mécanismes possiblement en jeu. Ces modèles ont notamment montré qu’il existait sous la glace de CO2 chauffée par le Soleil d'intenses mouvements de gaz, pouvant potentiellement déstabiliser et fluidifier le sol jusqu'à parfois créer des coulées d'aspect analogue à celles générées par un liquide. Des simulations réalisées pour différentes latitudes et pentes ont permis d’expliquer la distribution spatiale et l’orientation des pentes des sites où la formation de chenaux a été observée ces dernières années. En explorant l’impact de l’obliquité de Mars, qui a varié entre 25 et 35° au cours du dernier million d’années de son histoire, il a également été observé une bonne corrélation entre les prédictions du modèle et la distribution des ravines sur Mars. Le mécanisme identifié, qui ne nécessite pas d’eau liquide, pourrait dont constituer un processus majeur dans la formation des ravines martiennes, même si le rôle de processus complémentaires n’est pas à exclure.

 

Références

Article: Pilorget C. and F. Forget. "Formation of gullies on Mars by debris flows triggered by CO2 sublimation". Nature Geoscience (2016). DOI 10.1038/ngeo2619

Communiqué CNRS/INSU: http://www.insu.cnrs.fr/node/5591

 

 

 

Figure 1: Exemples de ravines martiennes, dont l'origine a été longtemps attribué à l'action de l'eau liquide, mais qui pourraient en fait être générées par les effets de la glace de CO2 à la fin de l'hiver. Sur l'image de droite, les dunes du cratère de Russel (54.3°S-12.9°E) sont ici partiellement couvertes de glace de CO2. Image de gauche: des ravines sinueuses sur les flancs d'un cratère dans le bassin de Newton (41°S-202°E). Versions haute résolution: https://static.uahirise.org/images/wallpaper/2880/ESP_034234_1255.jpg, https://hirise.lpl.arizona.edu/PSP_003464_1380

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Crédit: NASA/JPL/University of Arizona

 

 

Figure 2: Gros plan sur des ravines en formation sur les dunes du cratère Russel (54.5°S, 12.7°E), au cours d'une année martienne. A gauche: les ravines au printemps pendant l'année martienne 28 ("MY28"). Au milieu: à la fin de l'hiver suivant ("MY29"), les dunes sont couvertes de glace carbonique. Les jets de gaz sous pression, engendrés par le chauffage de la base de la glace par le soleil, entraînent les grains de sable sous-jacents. Ils forment des taches sombres sur la glace. A droite: au printemps de l'année suivante, on constate qu'un nouveau chenal a été creusé par cette activité.

 

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Credit: NASA/JPL/University of Arizona

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