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Introduction Générale

Les origines de l'Univers, ainsi que les beautés du ciel nocturne, ont toujours fasciné l'humanité. À toutes les époques les civilisations ont developpé, selon leur culture, des cosmogonies différentes, traditionnelles, religieuses ou encore philosophiques, en même temps que progressaient la description et la connaissance de l'Univers observable, la curiosité aidant.

Au XX$\scriptstyle \grave{e}$me siècle nait la cosmologie physique, que l'on appelle aujourd'hui simplement cosmologie, qui consiste en l'étude de l'Univers et de son évolution dans son ensemble. Comme toute science, elle évolue, au gré des découvertes observationnelles et/ou théoriques, jonglant entre des prédictions de phénomènes ensuite observés ou non, et des observations conduisant à des confirmations ou à des découvertes inattendues.

Depuis plus d'une décennie, les avancées technologiques ont permis d'augmenter la surface collectrice des télescopes, la résolution spatiale et la sensibilité des détecteurs, la capacité de traitement, d'analyse, d'archivage et de circulation de l'information. En particulier, l'accès à l'espace a permis d'ouvrir de nouvelles fenêtres spectrales comme l'infrarouge moyen et lointain, sans parler des retombées industrielles et quotidiennes qu'il a induit.

Les acteurs de la cosmologie observationnelle ont ainsi vécu une période excitante de grandes avancées dans le sondage de plus en plus profond et panchromatique de l'Univers et dans l'observation et la compréhension de ses différentes composantes astrophysiques, de la poussière dans le Système Solaire ou dans notre Galaxie aux fluctuations du fond cosmologique, en passant par l'émission des galaxies et des amas. La période qui débute sera probablement plus excitante encore, tant de questions restent ouvertes et tant les nouveaux instruments en train d'être construits ou définis promettent d'être performants.

Un des domaines en pleine mutation concerne l'étude de la formation et de l'évolution des galaxies. Dans un Univers en expansion, les structures se forment (super amas, amas de galaxies, et galaxies) et évoluent selon leur masse et en fonction du voisinage (interactions) et des conditions globales (température, rayonnement). Les galaxies de l'Univers local sont le résultat d'une évolution cosmologique, encore assez mal comprise.

Le moyen de comprendre l'évolution des galaxies, c'est-à-dire l'évolution des propriétés des galaxies à chaque époque cosmologique, consiste à sonder l'Univers avec des relevés à grande surface pour disposer d'un nombre suffisant d'objets pour des études statistiques, et à plusieurs longueurs d'onde pour ne pas être dominé par exemple par l'évolution d'une seule population de galaxies.

Pour des raisons technologiques, les premières mises en évidence d'évolution des galaxies ont été observées dans le domaine optique et radio. Nous avons maintenant accès au domaine infrarouge et submillimétrique, grâce essentiellement aux satellites IRAS (Infrared Astronomical Satellite, 1983), COBE (Cosmic Background Explorer, 1989) et ISO (Infrared Space Observatory, 1995), et à l'instrument SCUBA (Submillimeter Common User Bolometer Array, 1997) placé au JCMT (James Clerck Maxwell Telescope) à Hawaii, et au domaine millimétrique grâce à l'instrument MAMBO (Max-Planck Millimeter Bolometer array, 1998) placé à l'antenne de 30m de l'IRAM (Institut de Radioastronomie Millimétrique).

Pourquoi le domaine infrarouge et submillimétrique est-il si intéressant et complémentaire des autres domaines spectraux ?

La poussière, omniprésente dans notre Galaxie sous forme diffuse ou dans les régions denses de formation stellaire, est chauffée par le champ de rayonnement stellaire (étoiles enfouies en formation, ou étoiles à proximité) et acquiert une température qui se situe environ entre 15 et plusieurs centaines de Kelvins, selon la nature des particules et du champ de rayonnement. Ainsi, la poussière est opaque au rayonnement visible, mais émet dans le domaine infrarouge et submillimétrique entre $ \mu$m et 1 mm. Le processus de formation stellaire ayant lieu dans des cocons de poussière, les galaxies qui forment des étoiles émettent naturellement dans le domaine infrarouge et submillimétrique, alors que le rayonnement UV et visible sera en grande partie absorbé.

Notre Galaxie émet environ 30% de son énergie dans le domaine infrarouge et submillimétrique; il en est de même en moyenne dans l'Univers local. La distribution spectrale d'énergie typique d'une galaxie comporte donc deux pics, l'un dans le domaine visible correpondant aux populations stellaires, l'autre dans l'infrarouge lointain correspondant à la présence de poussière et à la formation d'étoiles.

A mesure que l'on observe des galaxies lointaines (ou jeunes), deux effets interviennent et accroissent l'importance du domaine infrarouge et submillimétrique: l'augmentation du taux de formation d'étoile couplé à la présence de poussières, et l'effet de décalage vers le rouge, ou redshift, dû à l'expansion de l'Univers.

Plus de la moitié du rayonnement d'une étoile massive est absorbé par les poussières, compte-tenu de sa courte durée de vie qui ne lui permet pas d'éjecter rapidement le cocon de poussière qui l'a formée. Les galaxies à plus grand redshift, pouvant contenir plus de poussière que localement, produisent plus d'étoiles que les galaxies locales (en partie à cause des interactions plus nombreuses) de sorte qu'une plus grande partie du rayonnement est réemise dans l'infrarouge et le submillimétrique, parfois jusqu'à plus de 90%: le rayonnement infrarouge devient un traceur de la formation d'étoiles.

Le redshift a pour effet de décaler le spectre d'émission d'une galaxie: un observateur terrestre observera d'une galaxie située au redshift z son spectre décalé vers le rouge selon un facteur (1 + z). Ainsi, le pic d'émission à 80 $ \mu$m dans le référentiel au repos sera observé à 160 $ \mu$m si la galaxie se situe à z = 1.

Le domaine infrarouge et submillimétrique permet donc d'observer les galaxies infrarouges, qui émettent l'essentiel de leur énergie dans ce domaine, de sonder la formation d'étoiles à grand redshift, ce qui est complémentaire par exemple du domaine UV visible qui permet de sonder des systèmes contenant peu de poussière. Ce domaine permet aussi d'étudier le fond extragalactique, qui est un rayonnement de fond isotrope dû à l'accumulation sur la ligne de visée des émissions de toutes les galaxies, et dont l'intérêt cosmologique est essentiel, puisqu'il intègre toute l'évolution des galaxies.

Depuis 1996, de grands relevés cosmologiques ont été effectués à 7 et 15 $ \mu$m avec ISOCAM, la caméra à bord d'ISO, à 60, 90 et 170 $ \mu$m avec ISOPHOT, le photomètre à bord d'ISO, et à 850 $ \mu$m avec SCUBA. Ces relevés consistent à couvrir la plus grande surface avec la sensibilité la meilleure, afin de détecter les galaxies en nombre suffisant pour que la caractérisation de l'évolution soit la plus fiable possible, et pour résoudre la plus grande fraction possible du fond extragalactique.

Mon travail de thèse a consisté à traiter et analyser les données du relevé couvrant le plus de surface et le plus profond jamais effectué à 170 $ \mu$m, appelé FIRBACK, puis à modéliser l'évolution des galaxies de manière phénoménologique en utilisant les contraintes observationnelles de tout le domaine infrarouge et submillimétrique, et enfin à participer à l'effort de suivi multi-longueur d'onde des sources FIRBACK.

Je présente, dans le premier chapitre, l'état de nos connaissances concernant le fond extragalactique à toutes les longueurs d'ondes, ainsi que sur la nature des sources qui y contribuent dans le domaine infrarouge et submillimétrique. La chapitre 2 est consacré aux observations du relevé FIRBACK, à ISO et à PHOT, ainsi qu'à l'explication des spécificités des observations en infrarouge lointain, alors que le chapitre 3 expose dans les détails le traitement des données et leur étalonnage définitif. L'analyse du relevé FIRBACK est proposée dans le chapitre 4, avec les simulations, le catalogue final de sources, et les comptages. Le modèle d'évolution des galaxies infrarouges, utilisant les contraintes observationnelles issues de FIRBACK mais aussi de tous les autres relevés profonds est exposé dans le chapitre 5, ainsi que des prédictions pour les comptages qu'observeront les prochains instruments spatiaux ou terrestres: SIRTF (Space Infrared Telescope Facility) de la NASA lancé début 2002, FIRST (Far Infrared and Submillimeter Space Telescope) et Planck de l'ESA, lancés en 2007. Enfin je conclus et présente les nombreuses perspectives de ce travail; SIRTF tient une place importante à court terme puisque mon séjour post-doctoral a lieu à l'University of Arizona dans l'équipe qui a fabriqué MIPS (Multiband Imaging Photometer for SIRTF), et concerne la préparation et l'analyse des relevés cosmologiques du temps garanti.

Il est à noter que tous les résultats de ce travail (papiers, courbes, tables, code, données), et plus généralement tout ce qui concerne FIRBACK, est (ou sera prochainement) disponible en ligne à l'adresse http://wwwfirback.ias.u-psud.fr .


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Dr Hervé Dole, University of Arizona, http://mips.as.arizona.edu/~hdole Mon 05-Feb-2001 16:58 PST