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Première exploration directe du champ magnétique dans la haute atmosphère du Soleil: la spectro-polarimétrie en ultraviolet ouvre une nouvelle voie pour la physique solaire

23/05/2017 - 10:45
Grâce aux données du spectro-polarimètre de la fusée sonde CLASP, les chercheurs ont pour la première fois observé une signature directe du champ magnétique dans la chromosphère, une région de la haute atmosphère du Soleil. Pour déterminer le champ magnétique dans la chromosphère, CLASP a mesuré la polarisation de la lumière ultraviolette au cours des 5 minutes que la fusée a passées dans l'espace, le 3 septembre 2015. Ceci a permis de valider une nouvelle technique de mesure du champ magnétique, par spectro-polarimétrie Hanle. Elle pourra être utilisée dans de futures expériences de mesure du champ magnétique dans la chromosphère et dans la région de transition chromosphère-couronne, et donc de mieux comprendre l'activité dans ces régions de l'atmosphère solaire.
 
En analysant la lumière qui nous provient du Soleil, les astronomes peuvent déterminer comment elle a été émise et diffusée dans l'atmosphère du Soleil, et donc déterminer les conditions qui y règnent. En particulier, si on sait que le champ magnétique joue un rôle fondamental dans les différentes types d'activité solaire, les mesures effectuées jusqu'à présent concernaient essentiellement la photosphère (la surface du Soleil). Très peu de mesures avaient pu être effectuées auparavant plus haut dans l'atmosphère du Soleil. Alors que photosphère émet principalement dans la gamme de longueurs d'onde visible, la chromosphère et émet principalement en ultraviolet. C'est pour cela que l'instrument CLASP utilise la raie ultraviolette Lyman-α de l'hydrogène.
 
L'équipe internationale de CLASP (Japon, États-Unis, Espagne et France) a ainsi développé un spectro-polarimètre, un instrument qui fournit une information détaillée sur la longueur d'onde (la couleur) et la polarisation (l'orientation transverse des ondes) de la lumière passant à travers une fine fente. L'équipe française de l'Institut d'Astrophysique Spatiale (CNRS / Université Paris-Sud), a contribué à la conception optique de l'instrument et a fourni le réseau spectroscopique, la pièce optique qui permet de diviser la lumière en fonction de la longueur d'onde. 
 
La Figure 1 montre en bas à droite la position de la fente du spectro-polarimètre sur une image du Soleil prise par la caméra de contexte de CLASP. Les diagrammes à gauche montrent les données en longueur d'onde et en polarisation, et montrent  que la raie est effectivement polarisée. Les chercheurs ont trouvé que certaines des caractéristiques de la polarisation correspondent bien à celles prévues par les modèles théoriques. Cependant, d'autres caractéristiques de la polarisation n'étaient pas prévues, ce qui indique que la structure de la chromosphère est plus complexe que celle incluse dans les modèles. En particulier, l'équipe a découvert que la polarisation variait à des petites échelles, de 1/50 à 1/100 de rayon solaire.
 
De plus, la polarisation produite par la diffusion de la lumière est affectée par le champ magnétique local. Pour rechercher un effet du champ magnétique sur la polarisation, l'équipe a observé trois bandes de longueurs d'ondes dont la polarisation est plus ou moins sensible au champ magnétique: le cœur de la raie Lyman-α (121.567 nm, très sensible), une raie du silicium ionisé (120.65 nm, peu sensible), et une aile de la raie Lyman-α (insensible au champ magnétique). Sur la Figure 2, les résultats pour les quatre régions (A, B, C et D) indiquées sur la Figure 1 montrent que la polarisation dans l'aile de la raie Lyman-α est presque constante, et donc que les grandes variations dans les autres bandes spectrales sont dues au champ magnétique.
 
Ces résultats sont les premiers à montrer la polarisation de la raie Lyman-α dans la chromosphère et son utilisation pour étudier le champ magnétique. De plus, ces résultats montrent que des expériences embarquées sur des fusées-sondes comme CLASP peuvent jouer un rôle important pour valider des techniques innovantes, même si en comparaison des satellites elles sont de taille réduite et n'observent que sur de courtes durées.
 
 
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Figure 1: Position de la fente du spectro-polarimètre CLASP (en bas à droite), et spectre polarisé dans la haute chromosphère et la région de transition (à gauche). (©NAOJ, JAXA, NASA/MSFC)
 
 
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Figure 2: Comparaison de la polarisation mesurée dans trois raies spectroscopiques avec différentes sensibilités au champ magnétique, dans les régions A, B, C et D indiquées dans la Figure 1. (©NAOJ)
 
Articles scientifiques:
  • R. Kano, et. al. (2017). Discovery of Scattering Polarization in the Hydrogen Lyα Line of the Solar Disk Radiation, Astrophys. J. Lett., 839, 10.
  • R. Ishikawa, et. al. (2017). Indication of the Hanle Effect by Comparing the Scattering Polarization Observed by CLASP in the Lyman-α and Si III 120.65 nm Lines. Astrophys. J., 841, 31.
Les responsables scientifiques de CLASP sont:
  • Amy Winebarger (NASA Marshall Space Flight Center)
  • Ryouei Kano (National Astronomical Observatory of Japan)
  • Frédéric Auchère (Institut d'Astrophysique Spatiale, CNRS/Univ. Paris-Sud)
  • Javier Trujillo Bueno (Instituto de Astrofísica de Canarias)

 

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